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Promenades en mathématiques financières

Un cours pour comprendre
les objets financiers

La formule de Black and Scholes

Le modèle Cox-Ross-Rubinstein

Considérons un marché financier très simple qui comporte 2 actifs, un actif risqué, dont la valeur est notée $S_t$ sur lequel sera souscrit l’option, et un actif non risqué, dont la valeur est notée $S^0_t$.

J. Cox, S. Ross, et M. Rubinstein ont proposé en 1979 de modéliser l’évolution du prix d’un actif de la façon suivante :

– Pour une suite finie de n instants régulièrement répartis entre 0 et $T$, $\mathbb{T} = \{0, \delta t, 2\delta t, \ldots, n\delta t = T\}$, où $\delta t > 0$ est un réel fixé, la valeur $(S_t)_{t\in \mathbb{T}}$ de l’actif risqué est égale à un nombre positif donné $S_0$ à l’instant $t = 0$, et elle évolue selon la règle suivante : si sa valeur à l’instant $t \in \mathbb{T}\backslash\{n\delta t\}$ est $S_t$, alors sa valeur à l’instant $t + \delta t$ sera soit $S_tu$ soit $S_td$, où $u$ et $d$ sont des constantes qu’on supposera telles que $0 < d < u$. Donc $(S_t)_{t\in \mathbb{T}}$ évolue sur un arbre binaire qui, à tout instant $t = i\delta t\in \mathbb{T}$, présente $i + 1$ valeurs possibles égales à : $\{S_0u^jd^{i−j}, j = 0, \ldots, i\}$ l’indice $j$ représentant le nombre de fois où l’actif a évolué à la hausse entre l’instant $t = 0$ et l’instant $t = i\delta t$, $j$ est nombre de hausses, l’ordre des hausses et des baisses n’important pas.

– Pour la même suite d’instants $\mathbb{T}$, l’actif non risqué vaut $S_0^0 = 1$ à l’instant initial, et il évolue selon la récurrence $S^0_t = S^0_{t−\delta t}e^{r\delta t}$, soit $S^0_t = e^{rt}$, où $r$ désigne le taux instantané d’escompte monétaire que l’on suppose constant, pour simplifier, sur toute la période $\left[0, T\right]$.

Construction du portefeuille de couverture

On considère un call européen, souscrit sur l’actif $(S_t)_{t\in \mathbb{T}}$, d’échéance $T = n\delta t$ et de prix d’exercice $K$. Il s’agit donc du droit d’acheter l’actif $S_t$ à la date $T$ au prix $K$. La valeur de cette option à l’instant final est donc $C_T = (S_T − K)^+$ qui vaut 0 si $S_n \leqslant K$ et $S_n-K$ sinon, c’est-à-dire que, si l’actif sous-jacent vaut $S_0u^jd^{n−j}$ à l’instant final, pour un certain $j \in \{ 0, \ldots, n \}$, le call vaudra $C_T = (S_0u^jd^{n−j} − K)^+$ pour ce même $j$.

Pour calculer le prix du call à l’instant initial nous allons reprendre les méthodes vues sur les arbres binaires, qui consiste à prendre comme valeur de l’option la valeur du portefeuille répliquant. Comme alors, nous chercherons à définir le portefeuille répliquant par une relation de récurrence rétrograde de manière à lier les inconnues $\Pi_0, \alpha_0$ et $\beta_0$, prix initial et composition initiale, à la donnée de son paiement à l’échéance $(S_T −K)^+$.

Cette récurrence se définit de la façon suivante : à toute date $t$, lorsque le sous-jacent prend la valeur $S_t$, le portefeuille se compose d’une certaine quantitée de sous-jacent $S_t$, et d’une certaine quantitée de placement non-risqué $C_t^0$. Comme sa composition a été arrêtée à l’instant $t −\delta t$, “ la veille ”, lorsqu’on ne connaissait que $S_{t-\delta t}$, et qu’elle est restée inchangée jusqu’à la date $t$, nous la notons $\alpha_{t-\delta t}$ et $\beta_{t-\delta t}$

On a donc

\begin{align*} \delta \Pi_t&=\Pi_t-\Pi_{t-\delta t}\\ &=(S_t\alpha_{t-\delta t} +S^0_t\beta_{t-\delta t})-(S_{t-\delta t}\alpha_{t-\delta t} +S^0_{t-\delta t}\beta_{t-\delta t})\\ &=\delta S_t\alpha_{t-\delta t} +\delta S^0_t\beta_{t-\delta t}, \end{align*}

où $\delta S_t= S_t- S_t\alpha_{t-\delta t}$ et $\delta S_t^0= S_t^0- S_t\alpha_{t-\delta t}^0$.

On peut alors recomposer le portefeuille, ayant prit connaissance de la valeur atteinte par $S_t$, mais par construction le portefeuille devra s’autofinancer, c’est-à-dire que le changement de composition intervenant à la date $t$ devra se faire sans apport ni retrait de capitaux, c’est-à-dire en vérifiant la relation :

$$\alpha_{t-\delta t}S_t +\beta_{t-\delta t}S^0_t=\Pi_t=\alpha_tS_t +\beta_tS^0_t$$

On détermine la nouvelle composition de la façon suivante : désignons par $S$ la valeur atteinte par l’actif sous-jacent à l’instant $t$, par $\Pi=\alpha_{t-\delta t}S_t +\beta_{t-\delta t}S^0_t$ celle correspondante du portefeuille et par $S^0$ celle de $S^0_t$. Deux issues sont possibles pour la valeur du sous-jacent, le “ lendemain ” $Su$ et $Sd$, d’où résultent deux valeurs de portefeuille, que nous notons $\Pi^u$ et $\Pi^d$, supposées connues par récurrence. Nous devons donc choisir la nouvelle composition $(\alpha,\beta)$ comme solution du système d’équations suivant :

$$\alpha Su +\beta S^0e^{r\delta t}=\Pi^u $$ $$\alpha Sd +\beta S^0e^{r\delta t}=\Pi^d $$

qui a comme solution $\alpha=\frac {\textstyle\Pi^u-\Pi^d}{\textstyle S(u-d)}$ et $\beta=e^{-r\delta t}\frac {\textstyle\Pi^du-\Pi^ud}{\textstyle S^0(u-d)}$.

Remarquons que l’on peut réécrire $\Pi$ comme une fonction de $\Pi_u$ et de $\Pi_d$, sous la forme $\Pi=e^{-r\delta t}(q\Pi_u +(1-q)\Pi_d)$, avec $q=\frac{\textstyle e^{r\delta t}-d}{\textstyle u-d}$.

On pose alors $\alpha_t=\alpha$ et $\beta_t =\beta$ et on en déduit la valeur cherchée $\Pi_t$, par la formule $\Pi_t = \alpha_tS_t +\beta_tS_t^0$. Nous avons donc la proposition suivante :

Dans un marché financier $(S_t,S_t^0)_{t\in \mathbb{T}}$ où $S_t$ suit un modèle CRR, toute option d’échéance $T$ et de fonction de paiement $\phi(S_T )$ est duplicable, c’est-à-dire qu’il existe un portefeuille autofinancé qui la couvre.

Demonstration : On raisonne par récurrence sur le nombre $n$ d’étapes du modèle. On a vu le cas d’un modèle à une étape ; pour un modèle à $n$ étapes, on remarque simplement que, comme $S_t$ prend deux valeurs $S_0u$ et $S_0d$ à l’instant $\delta t$, ces deux valeurs sont chacunes les valeurs initiales d’un modèle à $n − 1$ ´étapes auquel on peut appliquer l’hypothèse de récurrence. D’où l’existence de deux portefeuilles répliquants $\Pi^u_{\delta t}$ et $\Pi^d_{\delta t}$ avec lesquels on peut alors calculer $\Pi_0$ et donc $C_0$ comme dans un modèle à une étape.

Probabilité risque neutre et formule fondamentale

Quand on réécrit $\Pi$ comme une fonction de $\Pi_u$ et de $\Pi_d$, sous la forme $\Pi=e^{-r\delta t}(q\Pi_u +(1-q)\Pi_d)$, avec $q=\frac{\textstyle e^{r\delta t}-d}{\textstyle u-d}$, on remarque que $q \in \left]0,1\right[ \Leftrightarrow d < e^{r\delta t} < u$.

Quand cette condition est vérifiée, $\Pi_u$ et $\Pi_d$ sont les deux valeurs que peut prendre une variable aléatoire de Bernouilli $\Pi$ avec $\mathbb{P}[\Pi=\Pi_u]=q$ et $\mathbb{P}[\Pi=\Pi_d]=1-q$ et notre équation affirme simplement que $\Pi$ est précisement le produit par le facteur d’actualisation, $e^{r\delta t}$ de l’espérance de cette variable aléatoire, c’est-à-dire l’espérance actualisée.

En remplaçant $S$ par $S_{t-\delta t}$ dans $S=e^{r\delta t}(qSu+(1-q)Sd)$, on obtient $S_{t-\delta t}=e^{r\delta t}\mathbb{E}[S_t|S_{t-\delta t}]$.

On appelle probabilité risque-neutre la probabilité que nous avons définie et c’est avec elle que l’on pourra calculer les prix d’options, directement et sans recourir à la résolution d’un grand nombre de petits systèmes linéaires.

La probabilité risque-neutre permet de munir le modèle de l’actif sous-jacent, $S_t$, d’une structure de marche aléatoire, c’est-à-dire que, pour chaque $t \in \mathbb{T}$, les $i + 1$ valeurs, $\{S_0u^jd^{i−j}, j = 0, \ldots, i\}$ que peut prendre $S_t$ sont les $i + 1$ valeurs possibles d’une variable aléatoire dont la loi est donnée par : $\mathbb{P}[S_t = S_0u^jd^{i−j}] = \binom{\textstyle i}{\textstyle j}q^j(1-q)^{i−j}$.

En effet la valeur $S_0u^jd^{i−j}$ atteinte par $S_t$ correspond à une trajectoire qui présente $j$ hausses et $i−j$ baisses dont la probabilité est $q^j(1-q)^{i−j}$ si l’on fait l’hypothèse que ces mouvements, à la hausse ou à la baisse, sont indépendants, et il est facile de voir qu’il y a exactement $\binom{\textstyle i}{\textstyle j}$ trajectoires qui atteignent cette valeur.

Nous allons maintenant énoncer une proposition que nous allons démontrer : Dans un marché financier $(S_t,S^0_t)_{t\in \mathbb{T}}$ où $S_t$ suit un modèle CRR, le prix d’une option européenne $(T,\phi(S_T ))$ est donnée par $e^{-rT}\mathbb{E}(\phi(S_T )) = e^{-rT}\sum_{j=0}^n\binom{\textstyle n}{\textstyle j}q^j(1-q)^{n−j}\phi(S_0u^jd^{n−j})$, c’est-à-dire que ce prix est la valeur actualisée de l’espérance, sous la probabilité risque-neutre, de sa fonction de paiement.

Démonstration : Pour $n=1$ nous avons vu précédemment que $\Pi=e^{-r\delta t}(q\Pi_u +(1-q)\Pi_d)$ où $\Pi$ est la valeur du portefeuille répliquant en $t=0$, la proposition est vraie. Supposons que la proposition soit vraie pour $n-1$, nous avons encore $\Pi=e^{-r\delta t}(q\Pi_u +(1-q)\Pi_d)$ où $\Pi$ est la valeur du portefeuille répliquant en $t=0$. On applique l’hypothèse de récurrence à $\Pi_u$ et à $\Pi_d$ et on obtient :

\begin{align*} \Pi=&e^{-r\delta t}e^{-r(T-\delta t)}((q\sum_{j=0}^{n-1}\binom{\textstyle n-1}{\textstyle j}q^j(1-q)^{n-1−j}\phi(S_0uu^jd^{n-1−j})\\ &+((1-q)\sum_{j=0}^{n-1}\binom{\textstyle n-1}{\textstyle j}q^j(1-q)^{n-1−j}\phi(S_0du^jd^{n-1−j})) \end{align*}

Le terme $\phi(S_0u^n)$ ne se retrouve qu’à gauche de la somme avec une pondération $q^n$ et terme $\phi(S_0d^n)$ ne se retrouve qu’à droite de la somme avec une pondération $(1-q)^n.$ Le terme $\phi(S_0u^jd^{n−j})$ se retrouve à gauche de la somme avec une pondération $\sum_{j=1}^{n-1}\binom{\textstyle n-1}{\textstyle j-1}q^{j}(1-q)^{n−j}$ et à droite avec une pondération $\sum_{j=1}^{n-1}\binom{\textstyle n-1}{\textstyle j}q^{j}(1-q)^{n−j}$, comme $\binom{\textstyle n-1}{\textstyle j-1}+\binom{\textstyle n-1}{\textstyle j}=\binom{\textstyle n}{\textstyle j}$, on demontre la proposition pour $n$.

Applications : Pour une option d’achat européenne d’échéance $T$ et de prix d’exercice $K$, l’actif valant initialement $S_0$, la fonction de paiement est $\phi(S_T)=(S_T-K)^+$ et le prix $C_0$ de l’option vaut :

$$C_0= e^{-rT}\sum_{j=0}^n\binom{\textstyle n}{\textstyle j}q^j(1-q)^{n−j}(S_0u^jd^{n−j}-K)^+$$

De même, pour une option de vente européenne d’échéance $T$ et de prix d’exercice $K$ la fonction de paiement est $\phi(S_T)=(K-S)^+$ et le prix $P_0$ de l’option vaut :

$$P_0= e^{-rT}\sum_{j=0}^n\binom{\textstyle n}{\textstyle j}q^j(1-q)^{n−j}(K-S_0u^jd^{n−j})^+$$

Passage à la limite, formule de Black-Scholes

Le but est d’approcher un modèle à temps continu dans la formule donnant $C_0$ pour une option d’achat européenne d’échéance $T$ et de prix d’exercice $K$, l’actif valant initialement $S_0$. L’idée est de travailler sur l’intervalle $\left[0,T\right]$, avec $T > 0$, de le diviser en $n$ périodes de longueur $\tfrac{\textstyle T}{\textstyle n}$, d’étudier sur ces $n$ périodes le modèle binomial précédent, puis de faire tendre $n$ vers l’infini, en laissant $T$ fixé.

Fixons les paramètres du modèle pour $n$ : prenons $u_n=e^{\sigma \sqrt{T/n}}$, $d_n=e^{-\sigma \sqrt{T/n}}$, où $\sigma$ est une constante positive. Avec $r$ désignant le taux instantané d’escompte monétaire que l’on suppose constant, remarquons que $d_n < e^{rT/n} < u_n$ pour $n$ suffisamment grand, ce que nous supposerons dorénavant. En posant $q_n=\frac{\textstyle e^{rT/n}-d_n}{\textstyle u_n-d_n}$, nous avons alors $q_n \in \left]0,1\right[.$

Désignons par $Z_n$ une variable aléatoire prenant les deux valeurs $−1$ et $+1$ avec les probabilités $1 − q_n$ et $q_n$ respectivement, où $q_n$ est la probabilité risque neutre qui vient d’être définie. Étant donnée une suite de variables aléatoires $Z_{1,n}, Z_{2,n}, \ldots, Z_{n,n}$ indépendantes et ayant la même loi que $Z_n$, on peut alors écrire dans le modèle CRR à $n$ périodes pour la variable aléatoire $S_T^n$ , donnant le prix en $t = T$ de l’actif risqué sous-jacent : $\ln(S_T^n/S_0)=\sigma \sqrt{T/n}Z_{1,n}+ \sigma \sqrt{T/n}Z_{2,n}+ \ldots+ \sigma \sqrt{T/n}Z_{n,n}=\sigma \sqrt{T}\tilde{Z}_{n,n}$ où $\tilde{Z}_{n,n}=\frac{\textstyle 1}{\textstyle \sqrt{n}}\sum_{i=1}^nZ_{i,n}.$

Soit $\eta_n= \operatorname{inf}\{j \in \mathbb{N} : S_0u_n^jd_n^{n-j} < K)$, $\eta_n$ est le nombre minimum de hausses qui doivent se produire durant les $n$ périodes pour que l’option s’active.

La partie plafond du réel $x$, $\lceil x \rceil$, se définit comme $\operatorname{inf}\{j \in \mathbb{Z} : j \geq x\}$. On a donc $\eta_n=\lceil \tfrac{\textstyle \ln(K/S_0d_n^n)}{\textstyle \ln(u_n/d_n)} \rceil$

Notons $b(n,j;q_n)=\binom{n}{j}q_n^k(1-q_n^{n-j}$, probabilité pour qu’une variable binomiale de paramètres $n$ et $q_n$ prenne la valeur $j$, et $B(n,\eta_n;q_n)=\sum_{j=\eta}^n b(n,j;q_n)$, probabilité pour qu’une variable binomiale de paramètres $n$ et $q_n$ prenne au moins la valeur $\eta_n$.

En utilisant la définition de $q_n$ et l’égalité $1-\tfrac{\textstyle q_n u_n}{\textstyle e^{rT/n}}=d_n-\tfrac{\textstyle q_n b}{\textstyle e^{rT/n}}$, on obtient pour en notant $C_0^n$ la valeur de l’option d’achat en $t=0$ dans le modèle à $n$ périodes :

$$C_0^n=e^{-rT}\sum_{j=0}^n\binom{n}{j}q_n^j(1-q_n)^{n-j}(S_0u_n^jd_n^{n-j}-K)^+$$ $$C_0^n=\sum_{j=\eta}^n \binom{n}{j}(\tfrac{\textstyle q_n u_n}{\textstyle e^{rT/n}})^j (\tfrac{\textstyle d_n- q_n d_n}{\textstyle e^{rT/n}})^{n-j}-\tfrac{\textstyle K}{\textstyle e^{rT/n}}B(n,\eta_n;q_n)$$ $$C_0^n=S_0B(n,\eta_n;\tfrac{\textstyle q_n u_n}{\textstyle e^{rT/n}})-Ke^{-rT}B(n,\eta_n;q_n)$$

Nous allons utiliser le lemme suivant : soit $(X_{k,n})_{1 \leqslant k \leqslant n}$ une suite triangulaire de variables aléatoires indépendantes de Bernoulli de paramètre $\pi_n$, $\mathbb{P}[X_{k,n}=1]=1-\mathbb{P}[X_{k,n}=0]=\pi_n$, alors $\tfrac{\textstyle \sum_{k=1}^n X_{k,n} – n \pi_n}{\textstyle \sqrt{n \pi_n (1- \pi_n)}}$ converge en loi vers $\mathcal{N}(0,1)$ quand $n$ tend vers l’infini.

Soit $Y_{j,n}=\tfrac{\textstyle X_{j,n} – n \pi_n}{\textstyle \sqrt{n \pi_n (1- \pi_n)}}$ et $\sum Y_n=\sum_{1 \leqslant j \leqslant n}Y_j$. Comme les variables aléatoires $Y_j$ sont identiquement distibuées, $\Phi_{\sum Y_n}(t)=\Phi_{Y_1}(t)^n$, où $\Phi$ est la fonction caractéristique.

Nous avons $\mathbb{E}[Y_j]=0$ et $\mathbb{E}[Y_j^2]=1/n$ et donc $\Phi_{Y_1}(t)=1-\frac{\textstyle t^2}{\textstyle 2n}+o(\frac{\textstyle 1}{\textstyle n})$ et donc $\lim\limits_{ n \to +\infty}=e^{-t^2/2}=\Phi_{\mathcal{N}(0,1)}(t)$, le lemme est démontré.

Par définition,

\begin{align*} \eta_n&=\lceil \tfrac{\textstyle \ln(K/S_0d^n)}{\textstyle \ln(u_n/d_n)} \rceil\\ &=\lceil \tfrac{\textstyle \ln(K/S_0)}{\textstyle 2\sigma \sqrt{T/n}}+n/2)\rceil. \end{align*}

On a donc, $\eta_n=\frac{\textstyle n}{\textstyle 2}+\sqrt{n}\frac{\textstyle \ln(K/S_0)}{\textstyle 2\sigma\sqrt{T}}+o(\sqrt{n})$

De même,

\begin{align*} q_n&=\frac{\textstyle e^{rT/n}-d_n}{\textstyle u_n-d_n}\\ &=\frac{\textstyle 1+(rT/n)-(1-\sigma\sqrt{T/n}+\sigma^2T/(2n))+o(1/n)}{\textstyle (1+\sigma\sqrt{T/n}+\sigma^2 T/(2n))-(1-\sigma\sqrt{T/n}+\sigma^2 T/(2n))+o(1/n)}\\ &=\frac{\textstyle \sigma\sqrt{T/n}+(rT-\sigma^2/2)T/n+o(1/n)}{\textstyle 2\sigma\sqrt{T/n}+o(1/n)} \end{align*}

et donc $nq_n=\frac{\textstyle n}{\textstyle 2}+\sqrt{n}\frac{\textstyle (r-\sigma^2/2)T}{\textstyle 2\sigma\sqrt{T}}+o(\sqrt{n}).$

On en déduit $\lim\limits_{ n \to +\infty}\frac{\textstyle \eta_n-nq_n}{\textstyle \sqrt{nq_n(1-q_n)}}=\frac{\textstyle\ln(K/S_0)-(r- \sigma^2/2)T}{\textstyle \sigma\sqrt{T}}.$

Notons que $B{i,n}=(Z{i,n}+1)/2$,$0 \leqslant i \leqslant n$, est une suite de variables aléatoires de Bernouilli de paramètre $q_n$ et nous avons $B(n,\eta_n;q_n)=\mathbb{E}[\sum_{j=1}^nB(i,n)\geqslant\eta_n]$

En appliquant notre lemme, $\frac{\textstyle \sum_{i=1}^n B(i,n) – n q_n}{\textstyle \sqrt{n q_n (1- q_n)}}$ converge en loi vers $\mathcal{N}(0,1)$ quand $n$ tend vers l’infini.

On en déduit

\begin{align*} \lim\limits_{ n \to +\infty}B(n,\eta_n;q_n)&=\lim\limits_{ n \to +\infty}\mathbb{E}[\frac{\textstyle \sum_{j=1}^nB(i,n)- n q_n}{\textstyle \sqrt{n q_n (1- q_n)}}\geqslant\frac{\textstyle\eta_n}{\textstyle \sqrt{n q_n (1- q_n)}}]\\ &=1-\mathcal{N}(-\frac{\textstyle\ln(S_0/K)+(r- \sigma^2/2)T}{\textstyle \sigma\sqrt{T}})\\ &=\mathcal{N}(\frac{\textstyle\ln(S_0/K)+(r- \sigma^2/2)T}{\textstyle \sigma\sqrt{T}}) \end{align*}

où $\mathcal{N}(x) = \frac{1}{\sqrt{2\pi}} \int_{-\infty}^{x} e^{-\frac{t^2}{2}} dt$ désigne la loi normale centrée réduite.

Limite du prix Cox, Ross et Rubinstein

Désignons par $Z$ une variable aléatoire prenant les deux valeurs $−1$ et $+1$ avec les probabilités $1 − q_n$ et $q_n$ respectivement, où $q_n$ est la probabilité risque neutre égale à $\frac{\textstyle R−b}{\textstyle h−b}$, où $R = e^{r T/n}$, $h = e^{\sigma \sqrt{T/n}}$ et $b = e^{-\sqrt{\sigma T/n}}$. La loi de $Z$ dépend de $n$ puisque $T/n = T/n$ est fonction de $n$.

On peut alors réécrire dans le modèle CRR la variable aléatoire $S_T^n$, donnant le prix en $t = T$ de l’actif sous-jacent, de la façon suivante : étant donnée une suite de variables aléatoires $Z_1$, $Z_2$, $\ldots$, $Z_n$ indépendantes et ayant la même loi que $Z$, $S_T^n$ est égal à

$$S_T^n = S_0 e^{Z_1 \sqrt{\sigma T/n}} e^{Z_2 \sqrt{\sigma T/n}},\ldots,e^{Z_n \sqrt{\sigma T/n}}=S_0 \overset{\sim}{Z}_n \sqrt{\sigma T})$$

où $\overset{\sim}{Z}_n$ la variable aléatoire $\overset{\sim}{Z}_n=\frac{\textstyle 1}{\textstyle \sqrt{n}}\sum_{i=1}^nZ_i $

Donc si l’on pose $f(z) = (K−S_0e^{\sigma \sqrt{T}z})^+$, la limite que l’on veut calculer $\lim\limits_{ n \to +\infty} e^{−rT}\mathbb{E}((K − S_T^n )+)$ s’écrit simplement :

$$\lim_{n \to +\infty} e^{−rT}\mathbb{E}((K − S_T^n )+)=\lim_{n \to +\infty} e^{−rT}\mathbb{E}(f(\overset{\sim}{Z}_n))$$

où $f$ est la fonction définie précédemment qui est à la fois continue et bornée. Cette dernière propriété de $f$ est importante, elle ne serait plus vraie pour un option d’achat puisque dans ce cas la valeur de l’option n’est pas bornée au terme des trajectoires

On va démontrer le lemme suivant :

Soient $T$, $r$, $\sigma$ des constantes strictement positives, $T/n = T/n$, et $R$, $h$ et $b$ les quantités $R = e^{r T/n}$, $h = e^{\sigma \sqrt{T/n}}$ et $b = e^{-\sqrt{\sigma T/n}}$. Soit $Z_1$, $Z_2$, $\ldots Z_n$ une suite de variables aléatoires indépendantes prenant deux valeurs $−1$ et $+1$ avec les probabilités $1 − q_n$ et $q_n$ respectivement où q_n est la fonction de $n$ donnée par $\frac{\textstyle R−b}{\textstyle h−b}$. Alors la suite $\overset{\sim}{Z}_n =\frac{\textstyle 1}{\textstyle \sqrt{n}}\sum_{i=1}^nZ_i$ converge en loi vers une variable aléatoire de la forme $\frac{\textstyle \sqrt{T}}{\textstyle \sigma}(r-\frac{\textstyle \sigma^2}{\textstyle 2})+\overset{\sim}{Z}$, où $\overset{\sim}{Z}$ suit une loi normale centrée et réduite.

Par définition, une suite de variables aléatoires $\overset{\sim}{Z}_n$ converge en loi vers $\overset{\sim}{Z}$ si et seulement si, pour toute fonction $f$ continue et bornée, on a $\lim\limits_{n \to +\infty} e^{−rT}\mathbb{E}(f(\overset{\sim}{Z_n})) = \mathbb{E}(f(\overset{\sim}{Z_n}))$. C’est cette caractéristique qui explique le choix de l’option de vente plutot que celui l’option d’achat pour établir la convergence du prix CRR vers le prix Black-Scholes.

Nous n’allons pas utiliser cette définition de la convergence en loi pour prouver ce lemme. On sait aussi qu’il est équivalent de montrer que $\overset{\sim}{Z_n}$ converge en loi vers $\overset{\sim}{Z}$ ou que la fonction génératrice des moments de $\overset{\sim}{Z_n}$, $M_{\overset{\sim}{Z}_n} = \mathbb{E}(e^{\overset{\sim}{Z}_n \tau})$, converge vers celle de $\overset{\sim}{Z}$, $M_{\overset{\sim}{Z}} = \mathbb{E}(e^{\overset{\sim}{Z} \tau})$.

Pour calculer la fonction génératrice des moments de $\overset{\sim}{Z}_n$, comme

$$M_{\overset{\sim}{Z}_n} = \mathbb{E}(e^{\overset{\sim}{Z}_n \tau})=\mathbb{E}(e^{(Z_1+Z_2+\ldots+Z_n) \tau / \sqrt{n}})=M_{\overset{\sim}{Z}}^n( \tau / \sqrt{n})$$

il suffit de calculer celle de la variable aléatoire $Z$ au point $frac{\textstyle\tau} {\textstyle\sqrt{n}}$. Or $Z$ ne prend que les deux valeurs $−1$ et $+1$ avec les probabilités $1 − q_n$ et $q_n$ et vaut donc simplement

$$M_{\overset{\sim}{Z}}=(1 − q_n)e^{-\tau / \sqrt{n}}+q_n e^{\tau / \sqrt{n}}$$

En se souvenant que $q_n=\frac{\textstyle R−b}{\textstyle h−b}$, $R = e^{r T/n}$, $h = e^{\sigma \sqrt{T/n}}$ et $b = e^{-\sqrt{\sigma T/n}}$, on vérifie facilement que

$$q_n=\frac{\textstyle 1}{\textstyle 2}+\frac{\textstyle r−\sigma^2/2}{\textstyle 2\sigma}\sqrt{T/n}+o(\sqrt{t})$$ $$1-q_n=\frac{\textstyle 1}{\textstyle 2}-\frac{\textstyle r−\sigma^2/2}{\textstyle 2\sigma}\sqrt{T/n}+o(\sqrt{t})$$ $$ e^{\tau / \sqrt{n}}=1+\frac{\textstyle \tau}{\sqrt{n}}+\frac{\textstyle \tau^2}{2n}+o(\frac{\textstyle 1}{\textstyle n})$$ $$ e^{-\tau / \sqrt{n}}=1+\frac{\textstyle -\tau}{\sqrt{n}}+\frac{\textstyle \tau^2}{2n}+o(\frac{\textstyle 1}{\textstyle n})$$

il en résulte que

$$M_{\overset{\sim}{Z}}(\frac{\textstyle \tau}{\textstyle \sqrt{n}})=\frac{\textstyle 1}{n}(\frac{\textstyle 1}{\textstyle 2}\tau^2+\frac{\textstyle r-\sigma^2/2}{\textstyle \sigma}\tau\sqrt{T})+o(\frac{\textstyle 1}{\textstyle n})$$

et donc que

$$M_{\overset{\sim}{Z}}^n(\frac{\textstyle \tau}{\textstyle \sqrt{n}})=\exp(n\ln {M_{\overset{\sim}{Z}}})=\exp(\frac{\textstyle 1}{\textstyle 2}\tau^2+\frac{\textstyle \sqrt{T}}{\textstyle \sigma}(r-\frac{\textstyle \sigma^2}{\textstyle 2})\tau+o(\frac{\textstyle 1}{\textstyle n}))$$

Lorsque $n$ tend vers l’infini, on a bien à la limite la fonction génératrice des moments d’une variable aléatoire de loi $\mathcal{N}(\frac{\textstyle \sqrt{T}}{\textstyle \sigma}(r-\frac{\textstyle \sigma^2}{\textstyle 2}),1)$